1. L´internationalisation croissante des échanges commerciaux est un des traits marquants de la vie économique actuelle. Sur le plan juridique, le fait que les entreprises se lancent à la conquête de marchés et l´approvisionnement chez des fournisseurs étrangers entraîne la conséquence que celles-ci s´ocuppent des problèmes de recouvrement de creances à l´étranger. Une personne ou une entreprise impliquée dans une relation ayant des élements d´extranéité et qui estime ses droits méconnus doit s´adresser aux tribunaux d´un pays donné. Or il n´est pas sûr que la décision rendue par le tribunal compétent puisse étre exécutée dans ce pays soit que le défendeur change de domicile ou de siège social soit que le patrimoine saisissable se trouve dans un état tiers. Le créancier qui se trouve dans une telle situation doit s´adresser pour des mesures d`exécution forcées aux organismes compétents de l´Etat ou l´exécution aura le plus de chances de succès. Ce fait attire, s’il en était besoin, l’attention sur les conditions dans lesquelles pourront être exécutées les décisions de justice soumises à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ou à la Convention de Lugano du 16 septembre 1988. Corollaire du grand marché unique, ses auteurs ont en effet voulu qu’à la libre circulation des personnes et des biens corresponde celle des jugements. Tel est précisément l’objet de ces Conventions.
2. En Allemagne la reconnaissance d´une décision prononcée par un tribunal d´un État étranger est normalement soumise à une procédure, dite d´exequatur. Elle permet de revêtir un jugement de la formule exécutoire, en l´absence de laquelle l´assistance d´huissiers ou des tribunaux d´exécution de ce pays ne peut être invoquée. Cette procédure reste superflue, bien entendue, si la partie perdante exécute volontairement le jugement rendu à son encontre.
3. Entre la France, la Belgique et la Suisse la libre circulation des titres exécutoires est garantet. La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 régissent et unifient les questions de compétence judiciare et de l´exécution des jugements en matière civile et commerciale dès lors que le défendeur a son domicile (ou son siège) dans l´Union Européenne ou dans un État de l´AELE et que le litige présente un rattachement avec plus d´un État membre.
4. La Convention de Bruxelles et celle de Lugano garantissent la reconnaissance et l´exécution dans un État membre des jugements rendus dans un autre État membre dans la quasi – totalité des cas. La reconnaissance d´une décision prononcée par un tribunal d´un autre État membre ne nécessite aucune formalité particulière. Elle ne peut être refusée que si le débiteur invoque, à bon droit, des cas de nullité de la décision, tels que la violation de l´ordre public, l´incompatibilité de la décision avec une décision rendue par un tribunal de l´autre État entre les mêmes parties et concernant la même affaire, ou encore lorsque l´assignation n´a pas été faite en bonne et due forme.
a. La reconnaissance
La reconnaissance d´un jugement étranger a pour objet d’attribuer aux décisions rendues par les juridictions siégeant dans les divers États membres, l’autorité et l’efficacité dont elles bénéficient dans l’État d’origine. Il en résulte que ces décisions sont reconnues de plein droit, qu’en cas de contestation toute partie intéressée peut faire juger qu’une décision doit être reconnue et que si la reconnaissance est invoquée à titre incident, le juge saisi du principal est compétent pour en connaître.
aa. Le principe
L’art. 26 énonce que les décisions rendues dans un État contractant sont reconnues dans les autres États contractants. La reconnaissance ne necessite aucune formalité particulière. Les rédacteurs n’ont pas utilisé l’expression <<autorité de=”” chose=”” jugée=””>> dès lors que peuvent être reconnues des décisions provisoires ou des décisions gracieuses. La reconnaisance d’une décision étrangère est donc automatique et ne nécessite aucune procédure pour permettre à son bénéficiaire de s’en prévaloir <> dans l’État requis. Il existe ainsi une présomption en faveur de la reconnaissance ne pouvant être détruite que pour une des causes prévues aux art. 27 et 28. La Cour de Justice Européenne vient de le juger expressément en décidant qu’une “décision étrangère reconnue en vertu de l’art. 26 de la Convention doit déployer en principe dans l’État requis les mêmes effets que ceux qu’elle a dans l’État d’origine (Hoffmann ./. Krieg, 4 février 1988, aff. –Rs- 145/86). Cette reconnaissance est d’autant plus aisée que le juge requis n’a pas le droit de réviser le jugement concerné au fond. Il ne peut substituer donc sa volonté à celle du juge étranger sur un point de droit ou de fait qu’il estime mal jugé. De même n’est-il plus tenu de vérifier la compétence du juge étranger. La confiance qui est due à la décision de ce dernier doit s’étendre à l’application qu’il a faite des règles de compétence. Les seuls cas possibles de refus de reconnaissance à raison de la compétence concernent les matières pour lesquelles des règles spéciales et exclusives ont été établies par le titre II et l’art. 59. Dès lors ne subsiste comme condition de regularité du jugement que le respect de l´ordre public et des droits de la défense, ce qui est un minimum au-dessous duquel il est difficile de descendre.
bb. Les exceptions
Les art. 27 et 28 prévoient un certain nombre de cas dans lesquels les décisions ne peuvent être reconnues. Il en est ainsi quand elles sont contraires à l’ordre public de l’État requis, quand il y a violation des droits de la défense et quand il y a contrariété avec une décision rendue dans l’État requis. La reconnaissance n’est pas admise si l’acte introductif d’instance n’a pas été notifié au défendeur défaillant régulièrement et en temps utile pour assurer sa défense. La signification doit être régulière et il y a lieu à cet égard de se reporter à la loi de l’État d’origine et aux conventions internationales réglant la transmission des exploits. Non seulement la signification doit être régulière mais le juge requis peut encore refuser la reconnaissance s’il estime que l’acte n’a pas été transmis en temps utile au défendeur pour assurer sa défense. C’est ainsi qu’il a été jugé par la Cour de justice que même si la juridiction d’origine avait admis que le défendeur avait eu connaissance de l’acte en temps utile, le juge requis ne se trouvait pas lié et pouvait estimer le contraire (Pendry ./. Plastic 15 juillet 1982, aff. –Rs- 228/81, Rec. 1982, p. 2723). Cette liberté d’appréciation permet d’ailleurs au juge requis de tenir compte de circonstances postérieures à la notification, telles que la connaissance par le plaideur d’une nouvelle adresse du défendeur et le fait que celui-ci est responsable que l’acte régulièrement notifié ne lui soit pas parvenu. Enfin, il n’est pas acceptable que l’ordre public interne de l’État requis soit troublé, ce qui serait le cas, s’il était possible de s’y prévaloir de deux décisions contradictoires. La décision étrangère ne doit donc pas être incompatible avec une décision rendue dans un État non contractant entre les mêmes parties.
b. L’exequatur
Les Conventions de Bruxelles et de Lugano ont élaboré des règles nouvelles par rapport aux traités d’exécution déjà en vigueur et se sont efforcées de mettre en oeuvre des solutions constituant le prolongement normal des règles de compétence. Il a semblé à ses auteurs indispensable de faire en sorte que les plaideurs désirant mettre à exécution les décisions obtenues dans l’Etat d’origine ne puissent se heurter dans l’Etat requis à des obstacles procéduraux qui en anéantiraient le bénéfice. Selon l’esprit des conventions, la décision rendue par une juridiction dans l’Etat d’origine, bénéficie dans l’Etat requis d’une présomption de régularité et son exécution ne peut être refusée que s’il existe un motif de refus de reconnaissance. La seule condition imposée tient au fait que la décision invoquée soit exécutoire dans l’Etat d’origine. En conséquence, si elle est susceptible de recours ou frappée de recours, elle ne peut être exécutée, à moins qu’elle ne soit assortie de l’exécution provisoire. Il n’y aurait en effet aucune raison d’accorder à un jugement étranger dans l’Etat requis des effets qu’il n’aurait pas dans l’Etat d’origine. Les grandes règles commandant l’exécution s’articulent autour d’un certain nombre de principes. Il s’agit tout d’abord d’une procédure sur requête, donc unilatérale, avec élection de domicile obligatoire. La juridiction saisie doit statuer à bref délai et de facon non contradictoire. Si l’exécution est accordée, le défendeur peut former opposition dans le cadre d’une procédure qui devient alors contadictoire. La juridiction saisie du recours peut surseoir à statuer s’il y a recours ou si le délai de recours n’est pas expiré dans l’Etat d’origine. Elle peut également subordonner l’exécution à la constitution d’une garantie. La décision rendue sur recours ne peut faire l’object que d’un pourvoi en cassation. Durant le délai de recours le bénéficiare de la décision ne peut procéder qu’à des mesures conservatoires.Si l’exécution est refusée, le requérant peut former un recours devant la juridiction compétente. La procédure devient en ce cas, également contradictoire, le défendeur étant assigné à comparaître. La décision rendue sur ce recours ne peut être l’objet que d’un pourvoi en cassation. Enfin, les dispositions de la Convention font obstacle à ce que la partie qui a obtenu dans un Ètat contractant une décision judiciaire en sa faveur, demande à la juridiction d’un autre État contractant une condamnation portant sur le même objet à l’encontre de la même partie.
5. En Allemagne l´exequatur d´un jugement rendu par un tribunal d´un État membre des Conventions, soit celle de Bruxelles ou soit celle de Lugano, doit être demandé au président de la chambre compétente du Landgericht du domicile du débiteur. L´éventuel recours se fait devant l´Oberlandesgericht. Le créancier doit produire, à l´appui de sa requête unilatérale, une expédition (original authentifié) de la décision francaise, belge etc., ainsi que tout document prouvant que cette décision a été dûment signifiée au débiteur (situé en Allemagne) et qu´elle est exécutoire en France, en Belgique etc. La demande d´exequatur ne nécessite pas de faire appel à un avocat, mais il faut néanmoins désigner un correspondant sur place qui peut être un avocat.
6. L´Allemagne a règlé la procédure de l´exequatur sous les Conventions des Bruxelles et de Lugano dans la “AVAG” plus nettement. Certains présidents des “Landgericht” admettent d´ailleurs que la requête et les documents, qui sont à produire, soient fournis en francais mais ce n´est pas systématique. Il convient donc de se renseigner au préalable pour savoir si une traduction, soit certifiée ou non, est nécessaire. Dans le cas de l´absence de traduction la Landgericht n´a pas, en principe, le droit de refuser l´exécution sur le fond mais elle peut entraîner un retard sensible dans la procédure.
7. En ce qui concerne les traductions il faut en revanche veiller à ce qu´une traduction accompagne l´acte introductif d´instance adressé à la partie allemande, faute de quoi la validité même de la décision du juge francais pourra être mise en cause (CJCE aff. C 305/88 Isabelle Lancray SA ./. Firma Peters und Sickert KG). En ce qui concerne enfin l´obligation de joindre une traduction à la signification du jugement francais adressé à la partie allemande la juris prudence est contradictoire. Dans le doute, cela reste préférable.
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